Fautes de l’État dans la gestion de la crise sanitaire : un jugement lucide.

Le jugement du Tribunal Administratif de Paris en date du 28 juin 2022 mérite une lecture attentive.

Oui l’État est fautif pour avoir laissé le stock national de masques baisser à un niveau bien trop bas pour combattre une pandémie. Oui, cela était contraire aux recommandations des autorités médicales que l’État avait pourtant fait siennes. Il ne faudrait néanmoins pas confondre l’État et le gouvernement en place au moment de l’explosion de l’épidémie. Pendant des années, le stock n’a cessé de diminuer. Par ailleurs, s’il n’y avait que 117 millions de masques dans le stock national début 2020, c’est que plus de 600 millions s’étaient révélés inutilisables du fait d’un stockage défaillant. Le gouvernement d’Édouard Philippe a dû faire face à des carences dont il n’est pas responsable. Il est essentiel d’en prendre conscience, non pour défendre tel ou tel, mais pour permettre d’identifier la véritable source des problèmes. Sans cela, on recommencera les mêmes erreurs et on fera face aux mêmes difficultés lors de la prochaine pandémie.

Le Tribunal reproche ensuite à l’État sa communication visant à ne pas recommander le port du masque « pour le grand public ». Il s’appuie pour cela sur un texte du Haut Conseil de Santé Publique recommandant le port du masque pour les malades et leurs proches, mais aussi dans les lieux publics et les transports. Retenir ce dernier point contre l’État me semble plus discutable.

Le HCSP précise dans son avis « Il faut donc prévoir que les recommandations puissent elles aussi évoluer rapidement, en particulier quand les données scientifiques s’affinent ». Or, c’est bien ce qu’a fait le gouvernement. Une multitude d’autorités médicales, à commencer par l’OMS, ne recommandaient pas le port du masque en population générale au début de l’épidémie. Chaque année, la grippe fait plusieurs milliers de morts en France sans que la population ne porte de masques dans les transports ou les lieux publics. C’est après avoir pris conscience qu’on pouvait transmettre la maladie sans présenter aucun symptôme et que la transmission pouvait se faire par aérosol, et pas seulement par gouttelettes, que les recommandations médicales ont évolué. Le gouvernement français a d’ailleurs imposé le port du masque en population générale bien avant que l’OMS ne le recommande. La position du Tribunal me semble prendre insuffisamment en compte que le gouvernement s’est adapté à l’évolution des données scientifiques, comme le recommandait le HCSP.

En matière de communication, l’État me semble autrement plus fautif de ne pas avoir correctement communiqué la doctrine de mai 2013 auprès des employeurs concernés.

Il est important de noter que la plaignante a été déboutée de ses prétentions à indemnisation. Le Tribunal a su replacer avec beaucoup de pertinence les décisions prises par le gouvernement dans un contexte particulièrement difficile. Voilà qui permet de recadrer bien des polémiques, et ouvre la voie à un débat apaisé pour corriger les erreurs et ne pas les renouveler.

C’est pourquoi je trouve que ce jugement est remarquable.


Ajout du 10/07/2020
Extrait du rapport Stahl de mai 2019 ( page 22) :

Au vu de ces éléments, on peut conclure que peu d’éléments factuels permettent d’affirmer que le masque est une protection très efficace dans la communauté. L’hygiène des mains (avec ou sans solution hydro-alcoolique) apparaît au moins aussi efficace que le port du masque.
Il est donc proposé le port du masque pour l’individu malade et l’hygiène des mains pour tous.
Préconiser le port du masque dans les transports est discutable.

…/…

Il ressort ainsi qu’il n’y a aucun élément nouveau qui amènerait à modifier les recommandations émises pour l’épisode 2009/2010, à savoir :
• dans la communauté : masques de soins portés par les patients symptomatiques ;
• dans le milieu hospitalier : respect des précautions gouttelettes (masques de soins portés dès l’entrée en chambre d’un malade et APR de type FFP2 pour les soins à risque d’aérosolisation.