Réguler la consommation d’électricité

Sans sous-estimer les difficultés liées à la production d’énergie électrique intermittente (solaire, éolien), mon expérience me fait dire que bien des critiques ne mesurent pas le potentiel de la régulation au niveau de la consommation. Ce point de vue s’appuie sur l’expérience que j’ai de l’utilisation de panneaux photovoltaïques en autoconsommation et de panneaux thermiques solaires.

La principale critique est liée aux pointes de consommation durant lesquelles il peut n’y avoir ni vent ni soleil. Regardons donc comment cela se passe quand on a des panneaux photovoltaïques.

Quand on est en autoconsommation, on est financièrement incité à utiliser l’électricité quand les panneaux produisent. On lance donc les machines à laver et autres sèche-linges quand il y a du soleil. Pour celà, un regard sur un site météo et l’utilisation des options de planification des machines permet de lancer au bon moment, même quand on n’est pas présent. Par exemple, on planifie à partir de 11h, une heure où le soleil est suffisamment haut.

Même si on lance pendant la pointe du matin (8h à 13h), on va moins (voire pas) solliciter le réseau national d’électricité à un moment où la demande est intense. L’effet est donc bénéfique pour la gestion de la pointe nationale.
On aurait aussi pu lancer après 13h, ce qui fait que non seulement on ne consomme pas durant la pointe, mais en plus on y injecte de l’électricité dans le réseau national (production photovoltaïque non utilisée). On peut aussi attendre un jour ou deux si le soleil manque.

De même pour la voiture électrique dont l’usage se développe et devrait s’accélérer. Il faut se rappeler que 90% des conducteurs utilisent leur véhicule électrique moins de 30 kms par jour. Avec une prise renforcée (que je préfère à une prise simple pour des questions de fiabilité et de sécurité), il suffit de 2 heures pour récupérer ces 30 kms. Or ces 2 heures de soleil, l’expérience m’a montré qu’on pouvait les obtenir même en hiver. Parfois il faut attendre plusieurs jours pour retrouver du soleil, mais dans l’immense majorité des cas, l’autonomie des batteries actuelles permet d’attendre.
Il existe désormais des bornes qui chargent en fonction de sa production d’électricité photovoltaïque. Il n’y a pas besoin d’êtrre présent pour charger en tirant au minimum sur le réseau national.
Attention, 3kWc ne suffisent pas, il faut au moins 5 kWc avec une prise renforcée, sinon le photovoltaïque pourra participer (comme chacun le sait c’est le plus important), mais il faudra compléter en tirant sur le réseau national. Là encore, le fait d’avoir des panneaux photovoltaïques permet de diminuer la demande, y compris pendant les pointes.

Vous allez me dire qu’on ne peut pas faire grand chose, pour la pointe du soir en hiver (18h à 20h) puisqu’il n’y a pas de soleil. Et bien si. Chauffez avant 17h quand le soleil est encore là évitera de lancer le chauffage en même temps que le reste de la population (quitte à relancer le chauffage plus tard). Vous me direz qu’on peut le faire sans panneaux photovoltaïques. Oui, mais hors panneaux il n’y a pas (encore ?) d’incitation financière à le faire.

Autre exemple d’anticiption. J’expliquais que je charge ma batterie de voiture avec de l’électricité photovoltaïque. Un plaisantin m’a demandé si j’emmenais mes panneaux avec moi en voyage. D’une certaine façon oui, car avant tout voyage important je charge mes batteries à 100%. Toujours cela de moins de pompé sur le réseau électrique en chargeant en route. Si on anticipe, on peut éviter de charger durant les heures de pointes d’hiver.

Renault vient d’annoncer que sa future R5 permettra de charger la batterie quand le prix de l’électricité sera bas et de décharger vers la maison quand celui-ci sera élevé. D’ores et déjà, il s’agit de profiter des moments où les énergies intermittentes produisent intensément pour charger les batteries. D’autres constructeurs vont certainement suivre. De quoi utiliser les batteries de voiture pour les besoins domestiques pendant les pointes du soir et du matin. J’attends des précisions sur la façon dont on peut l’utiliser au mieux avec des panneaux photovoltaïques en autoconsommation.

J’avais décidé de consommer le moins d’électricité possible lors du déclenchement des alertes écowatt. Il n’y en a pas eu besoin, mais cela m’aurait permis d’injecter de l’électricité vers le réseau s’il y avait suffisamment de soleil par rapport à mes besoins. Avec un temps simplement mitigé, j’aurais moins tiré sur le réseau à un moment critique. Impossible à envisager sans panneaux.

Un petit mot sur un oublié : le chauffage solaire. Là encore, l’expérience m’a montré qu’on pouvait l’utiliser même en hiver sans quasiment avoir besoin de solliciter la résistance électrique qui se déclenche quand la température de l’eau dans le ballon est trop basse. J’ai ainsi pu ne jamais déclencher la résistance entre mi avril et mi novembre. C’était lié à un problème d’installation, mais cela montre à quel point on peut alléger de nombreuses pointes de consommation.

Les détracteurs du solaire insistent sur le fait qu’il n’y a pas de soleil la nuit. Ce n’est pas non plus un moment de pointe de consommation, bien au contraire.

La difficulté provient quand le soleil se cache pendant plusieurs jours. Cela arrive effectivement, même si on peut noter que les jours de mauvais temps sont souvent des jours où le vent souffle. De même, les jours les plus froids de l’hiver sont souvent les jours où le soleil est présent (le froid intense vient du fait que les nuages ne retiennent pas la chaleur).

L’éolien ne permet pas un pilotage aussi simple, car savoir s’il y a suffisamment de vent en France est plus compliqué que de savoir s’il va faire du soleil dans sa ville aujourd’hui.

Bien des détracteurs des EnRI insistent sur le fait que parfois on n’a pas assez de vent et de soleil et parfois il y en a trop. Les deux situations posent effectivement problème.

Mais si les Français étaient informés et incités à adapter leur consommation, on pourrait diminuer ces effets négatifs.

Imaginons que pendant les heures où on aurait prévu la veille une production d’électricité très execédentaire pour le lendemain, le coût de l’électricité soit, par exemple, divisé par 2. Je ne prends pas beaucoup de risques en pariant que les consomateurs informés, du particulier à l’industriel, sauraient en profiter. Ils décaleraient une partie de leur consommation durant ces moments économiques pour leur portefeuille. Voilà qui éviterait, ou au moins permettrait de limiter, l’effacement d’autres modes de production comme le nucléaire.

On va m’objecter que mon expérience est celle d’un particulier et pas d’un industriel. Quand je vois le nombre de ceux qui annoncent l’installation de panneaux photovoltaïques, avec pour exemple récent la SNCF, je me dis qu’ils doivent eux aussi avoir constaté qu’ils pouvaient en tirer profit. Et bien des trains roulent en hiver durant l’heure de pointe de consommation électrique du matin. Autant d’électricité qui ne sera plus fournie par le réseau national à des moments tendus.

Les commerçants sont un bon exemple de ce que peuvent apporter des panneaux photovoltaïques. Un commerce, ça fonctionne durant la journée, au moment où il y a du soleil. Certes, cela ne va pas être utile pour préparer le pain à 4 heures du matin. Mais, pour le chauffage, l’éclairage, les vitrines réfrigérées, la caisse…, les panneaux vont faire baisser la facture d’électricté. En hiver, c’est le cas entre 10h et 17h, donc notamment durant la pointe du matin.

Je pense aux campings, nombreux dans mon département. En été, ils pourraient profiter à plein du soleil au moment où l’activité est maximale. De belles économies motivantes en perspective. En hiver, l’électricité produite pourrait être injectée sur le réseau, au moment où les campings en ont peu besoin au contraire de l’ensemble du pays.

Je ne dis pas qu’on va effacer les pointes et creux d’une production intermittente. Je dis qu’on s’adaptera de façon à en diminuer l’impact et que le potentiel est non négligeable.

Souvent on dit qu’il n’y a pas de soleil alors qu’en réalité il n’y en a pas assez. Mais ce peu est une production utile, insuffisante mais utile.

Je n’ai pas un désaccord profond avec ceux qui alertent sur les difficultés que créent l’augmentation de la partie intermittente de la production d’électricité. Les difficultés d’équilibrage du réseau sont réelles, et un réseau non équilibré, ce sont des délestages voire l’effondrement. En revanche, je trouve que dans leurs raisonnements, ils s’attachent trop à des chiffres globaux qui masquent les possibilités de pilotage de la consommation.

Ils raisonnent comme si les pratiques n’allaient pas évoluer. Si c’était le cas, ils auraient raison. Mais cela serait tellement imbécile que cela ne devrait pas arriver (même si…). Les outils techniques (domotique, borne de recharge gérant en fonction de la production photovoltaïques…) existent ou ne posent pas de problèmes techniques pour être créés. Il suffit que le besoin émerge. Et pour que le besoin émerge, l’instrument à mette en place c’est l’incitation financière.

Pourquoi ne pas faire en sorte qu’en hiver, l’électricité consommée soit plus chère durant les heures de pointes par rapport aux autres heures de la journée ? De même, pourquoi ne pas mieux rémunérer l’électricité injectée sur le réseau au moment des pointes ?

Le besoin d’électricité va considérablement augmenter afin de se débarrasser des plus de 60% d’énergies fossiles actuellement consommées en France. Avec une demande qui augmente et du pilotable (nucléaire, hydraulique) qui ne peut pas augmenter en proportion, le prix de l’électricité ne peut qu’augmenter. Le deuxième semestre 2022 est là pour témoigner de l’ampleur du choc potentiel. Toute production d’électricité décarbonée contribue à combler le déficit donc à limiter la hausse des prix.

Rappelons que l’un des objectifs du compteur linky était de permettre une tarification différenciée. Il est désormais en place pratiquement partout. Il est temps que les fournisseurs d’électricité l’utilisent pour inciter à diminuer la consommation lors des pointes et augmenter la consommation lors des creux. Ce n’est pas forcément leur intérêt financier, mais cela peut être imposé par la loi ou la réglementation dès lors que c’est d’intérêt général.

Ce que j’attends

J’attends de recevoir la veille ou au plus tard le matin tôt des messages (SMS, mail, notification) m’informant, par exemple :

  • que l’électricité risquant de manquer, par rapport aux prix habituels :
    l’électricité fournie par le réseau sera plus chère durant les heures de pointe (exemple : + 30% pour l’électricité consommée de 8h à 13H et de 18h à 20h alors que l’électricité envoyée sur le réseau aux mêmes heures est rémunérée 50% de plus),
  • que l’électricité risquant d’être trop abondante :
    l’électricité consommée sur le réseau sera moins chère durant certaines heures (exemple : – 50% pour l’électricité consommée de 10h à 12H et de 18h à 19h)

Certains s’étonneront qu’on puisse être récompensé pour consommer de l’électricité. Bienvenue dans le monde de l’électricité intermittente. Je rappelle la loi incontournable de l’électricité : à chaque instant, la production doit exactement équilibrer la consommation, ni plus ni moins.
D’ores et déjà, il est arrivé que l’Allemagne propose une électricité à un prix négatif : elle paie celui qui veut bien en importer. Cela s’explique par le fait qu’étant excédentaire, elle trouve plus intéressant de rémunérer un acheteur que de devoir temporairement arrêter une centrale thermique.

Voilà le genre de tarification qui incitera les consommateurs à adapter leur consommation. Cela permettrait de lisser les pointes et les creux dont la fréquence ne peut qu’augmenter avec la montée en puissance des énergies intermittentes.
Naturellement, de tels écarts de facturation ne se justifieront qu’un certain nombre de jours dans l’année, mais des écarts moins importants se justifieront de plus en plus souvent.


Voici une présentation des problèmes de stockage par un enseignant du collège de France : https://www.youtube.com/watch?v=ezJUJU-sz7s&t=4s

Avertissement : retraité, je n’ai aucun intérêt de près ou de loin avec l’industrie ou le commerce des panneaux photovoltaïques. J’essaie simplement de faire profiter de mon expérince personnelle à un moment où nombreux sont ceux qui s’interrogent sur leur utilité.

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